Retour aux sources...

Le Duc et sa compagne étaient partis de bonne heure, avant même les premières lueurs de l'aube... Le voyage jusqu'au village de Castellane promettait en effet de durer quelques temps, aussi le Maistre Compagnon avait fait ordonner qu'on leur prépare à tous les deux des provisions pour trois jours.

Les deux amants, et néanmoins combattants aguerris, réussirent à passer sans encombre les quelques patrouilles maladroites à la soldes du Marquisat qui rôdaient un peu partout dans la province et arrivèrent en vue du village perché dans les montagnes alors que le soleil approchait de son zénith... L'émotion fut grande pour le Duc, qui retrouvait là moult souvenirs... Après avoir marqué une courte pause, il se tourna vers sa compagne et déclara d'une voix forte...

Nous y voilà... Castellane ! Dernière demeure des Chevaliers de l'Ordo Sancti Georgii... Et d'après vos dires, ma mie, lieu de votre enfance. Nous devrions arriver sur place d'ici peu, et nous déjeunerons là bas. Mais je dois vous prévenir... Je ne sais si nous y trouverons âme qui vive...

Lançant un regard chargé d'affection à son aimée, le Chevalier éperonna son destrier et commença à gravir la route étroite menant jusqu'aux imposants remparts de la cité...

Après une heure de pérégrinations sur une route qui semblait n'avoir pas été entretenue depuis quelques années, les deux chevaliers arrivèrent enfin devant les lourdes portes du poste de garde. Le Duc s'arrêta devant l'huis -qui ne semblait pas avoir bouger depuis longtemps- dans une posture martiale, prêt à affronter un quelconque danger... D'une voix puissante, il cria aux remparts décrépis...

Hola du château ! Y a t-il âme qui vive en ces murs ?!

Les deux Chevaliers-amants restèrent plusieurs secondes dans l'expectative d'une réponse qui ne vint jamais... Au bout de quelques minutes, le Duc tourna la tête vers sa compagne qui semblait perdue dans les bribes de sa mémoire, et l'interpela...

Puisqu'il n'y a aucune invitation à espérer, nous irons voir par nous même j'en ai bien peur... Dit il avec un sourire... Suivez moi, ma mie, et partons ensemble à la découverte de ces lieux...

D'une légère torsion appliquée aux rênes, suivie d'un rapide coup d'éperons, le Duc pénétra le premier dans la cité apparemment abandonnée, suivi de près par la femme qu'il aimait tant...

Elle s'était souvent demandée si sa mémoire jouait avec ses souvenirs?
Si elle avait conservé les choses comme telle qu'elle les avait vécues sans les déformer, ou si sa mémoire avait arrangé le passé de manière a la satisfaire?
Souvent des bribes de souvenirs lui revenaient, elle s'en était ouverte a la seule personne qui pouvait mettre des images et des réalités sur ce passé lointain, mais Rose lui répondait vaguement, sans jamais rentrer dans les détails d'une vie qu'elle disait passée et enfouie, que fouiller dans la mémoire, n'est pas bonne chose.
Que la vie est intéressante que si on l'invente, on ne peux pas inventer des souvenirs, mais on peut inventer son futur, vivre dans l'instant présent et ne pas se retourner, jouer avec demain, jouer avec ce qu'on sera et tout faire pour le faire honorablement.
Mais le temps s'égraine, comme une mesure succède a une mesure, comme un parcours succède a un parcours, mais le temps ne passe pas, il dure simplement.
Le passé fait pourtant ce que nous sommes, ce que nous sommes, fera ce que nous serons, alors pourquoi renier ce qui a été, a moins qu'il n'y ai des sombres vérités, qu'ils n'est pas nécessaire de découvrir.

Les chemins qu'ils avaient emprunté, n'étaient pas aisés d'accès, cependant d'une grande beauté, le Verdon remplissait joyeusement les gorges, et coulait d'une eau presque verte par endroit.
La baronne qui n'avait point quitté la cité d'Arles depuis des jours, respirait a plein poumon, les effluves de la campagne provençale.
Elle revivait...
La ville l'oppressait, et agressait de sa puanteur, comme toutes les villes, que ce soit du nord au sud, mais en Arles il y avait le parfum de la guerre qui se mêlait avec douleur aux odeurs de l'eau croupis et des détritus en tout genres.
Alors que depuis quelques lieux maintenant, les parfums de ses souvenirs, la faisaient sourire.
Une émotion qu'elle gardait pour elle, égoïstement, qu'elle ne voulait pas partager, le parfums des herbes sauvages, des pierres et des rocs chauds d'un soleil qui assomme, le parfum de la terre que la chaleur fait craquer, et qui se mélange aux aiguilles de pins qui l'a tapissent.
Ce soleil qui plombe et qui tanne les peaux, qui vous fait rougir, et vous assèche, mais qui rit, vous fait vivre et respirer tard le soir, bien après que les premières lueurs du jours se soient enfouie, parce qu'il fait encore chaud mais un peut moins.

--Suivez moi, ma mie, et partons ensemble à la découverte de ces lieux...

Un large sourire illumina son visage, d'une pression légère sur les flancs du frison, amena la petite fille qu'elle tentait de redevenir, a coté de l'homme qui avait su ses derniers jours la faire revivre.
Tout deux pénétrèrent l'endroit désert.

Elle voulait lui dire qu'en cet instant elle était heureuse comme il y a longtemps, comme au temps de l'insouciance des baigneries de Chambéry et du retour du chevalier quand il l'avait, avec toute la « délicatesse » qui le caractérisait plongée a ses cotés dans la baquet d'eau tiède.
Tout comme lui, le Duc avait trouvé le chemin d'une coeur écorché, d'une vie mélangée, sans rien demandé en retour.
Sous son sourire sincère a nouveau sa fossette, jouait et riait, sur un visage qu'une larme d'émotion vint roulé, comme une coiffe qui embellit, le visage d'une Dame.

Merci mon amour, vous me faictes un merveilleux présent en cet instant, vous me faictes oublier une guerre et la douleur d'estre loin des miens, vous me faictes oublier la solitude et la tristesse, vous me permettez d'accéder a des questions trop longtemps posées.
Vous me faictes retrouver le chemin d'un demain remplit du bonheur de l'amour.

Le Duc, d'habitude si froid, voir même renfermé d'après les dires de certains de ses hommes, vit son coeur fondre aux paroles de cette femme qui l'aimait tant... Même le soleil brûlant de cette belle journée de fin de printemps n'aurait pu réchauffer à ce point l'organe qui était si longtemps demeuré de pierre... Même les arômes et les senteurs des arbres fleuris de la campagne provençale n'auraient pu donner plus d'allant et de vigueur à ce corps quelque peu vieilli désormais... Aussi, le Chevalier ne put s'empêcher de sourire aux paroles de sa belle, d'un de ces sourires tendres et affectueux qui en disent tant sur l'amour porté...

Merci à vous, mon amour... Encore une fois je vous le redis : vous m'avez redonné à la fois la vie et le bonheur ! Et en me donnant cette quête à accomplir, vous avez refait de moi le Chevalier-servant que je n'avais plus été depuis si longtemps... Je ne saurais vous le dire assez de fois : je vous aime et mon coeur est votre !

Terminant là son discours, le Chevalier porta un regard perçant à la ville qui semblait inanimée, pour ne pas dire morte... Le clocher d'une église se distinguait, par sa hauteur, de toutes les maisons et autres bicoques, comme un phare au milieu d'une mer trop tranquille. Il n'était surpassé en hauteur que par les hautes tours de la forteresse de l'Ordo disparu... S'il y avait un endroit où se rendre pour trouver quelque réponse ou même quelque personne, c'était bien celui là...

Tirant de sa senestre sur les rênes de son destrier, le Duc indiqua de la tête la direction de l'église à sa compagne...

S'il y a un endroit où se rendre en priorité, c'est bien cette église... Suivez moi, ma mie... Mais restez sur vos gardes, on ne sait trop quel genre de créature pourrait trainer dans cette ville fantôme...

La Suite

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